Run, rabbit, run.

16h-18h
Sommes-nous définitivement perdus ?

Elle court. Elle court sans cesse. Ne s'arrête pas, jamais, pas même pour reprendre son souffle. C'est l'adrénaline. Elle a peur. Non pas pour sa vie, mais pour ce qu'elle est devenue.

Elle est seule, pauvre et perdue, petite poupée emmitouflée sous un voile noir bordé de dentelle. Ses cheveux masquent parfois ses yeux dans sa course, et elle ne voit plus alors qu'un rideau de filaments blonds-roux. Mais c'est pas comme si la destination importait tellement.

Son coeur bat la chamade, et chaque nouvelle pulsion équivaut à une nouvelle question germant dans son esprit.
Où suis-je ?
Qui suis-je ?
Que m'est-il arrivé ?
Pourquoi suis-je là ?
Pourquoi cette ville ? Pourquoi ces gens sont-ils là aussi ?
Qui sont-ils ?
Pourquoi Gabriel m'a-t-il menti ? Pourquoi a-t-on voulu me tromper ? Pourquoi se disputaient-ils la femme brune ?
Et... Pourquoi, Seigneur, pourquoi m'avoir abandonnée dans cet endroit ?

Les questions lui font tourner la tête. Elle s'empêtre les pieds dans sa robe noire et s'écroule à genoux sur le pavé, tandis que des objets roulent depuis sa poche. Dire qu'elle n'avait même pas remarqué que ses poches étaient pleines... Pauvre, pauvre petite chose, pleurant dans ses vêtements de religieuse. Mais que sait-elle faire, à part tomber, pleurer, se mordre la lèvre et prier ? Suivre bêtement des inconnus, oui. Les croire aussi. Et fuir, sans aucune idée d'où aller.

Tâtant les dalles ornées de feuilles mortes, elle sent sous ses doigts tremblants des perles en bois et ramasse l'objet ; c'est un chapelet. Une larme de réconfort constelle son visage poupin tandis qu'elle porte le collier religieux à son coeur, serrant doucement son poing comme une étreinte amoureuse, commençant une prière muette.

C'est alors un flash, une lumière vive.
Sa main tremble légèrement, faisant vaciller la flamme de la bougie. Derrière elle, les pas continuent de la suivre. Elle presse l'allure, pour arriver plus vite à l'ancienne petite chapelle. Au dessus de sa tête, le Ciel gronde sourdement, comme en colère. "Pardon Seigneur, pardon mon Dieu", pense-t-elle. Elle pousse enfin la petite porte en bois, se retourne vers les deux silhouettes qui se tiennent derrière elle dans l'obscurité, et leur murmure : "Allez, dépêchez vous, rentrez là dedans. Vous serez à l'abri. Ne vous faites pas remarquer, hein..."

La marque cuisante d'un souvenir. Elle se mord la lèvre comme un enfant apeuré. Regarde derrière elle, mais les silhouettes ne sont plus là. Pas même un bruit de pas. Pas de pluie.
C'était un souvenir, juste... ce qui reste de ma vie.

Tandis que de nouvelles questions viennent remplacer les anciennes, elle se dépêche de ramasser le reste des objets tombés, dans la hâte de vouloir quitter au plus vite cet endroit. Il y a une petite boîte d'allumettes sur laquelle est peint Le Christ, un petit médaillon doré à l'effigie de sa Sainte Mère et... une feuille pliée, arrachée d'un livre. Inquiète par ce qui pourrait être écrit, elle la déplie avec crainte... et se rend compte que la page provient de la Bible.

- L'innocence des enfants...
Et, en relevant la tête, s'aperçoit d'une lumière, au fond de la ruelle.

Un signe du Seigneur...
Non petite tu n'as pas compris, Dieu n'a aucun pouvoir ici.

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