La panique, juste la panique envahit ton esprit. La grenouille ne réagit même pas aux agressions aussi bien extérieures qu’intérieures, de rage tu lâches ton stylo qui flotte à moitié à tes côtés. Ta bouche s’ouvre pour laisser échapper un cri d’horreur qui ne résonne même pas à tes oreilles. Le truc bouge, le truc bouge vers l’eau. Tout mais pas l’eau. Tu t’agites encore plus dans la masse gélatineuse, même si c’est inutile.
Puis tout s’accélère, une boule lumineuse devant tes yeux, le batracien qui panique et d’un coup tu es dehors tandis que le monstre plonge dans l’eau. Tu es vivante, à l’air libre et surtout totalement hébétée.

Tu sens encore une fine couche gélatineuse sur ta peau, dans ton agitation tes cheveux se sont détachés et collent à présent à ton cou, tes épaules et ton dos. Mais tout ça tu t’en fiches, tu ne vois plus que la lumière devant toi, un souvenir. Tu te relèves difficilement, tes jambes tremblent et tu as du mal à respirer. Tu tends ta main vers la sphère avant de venir effleurer du doigt sa surface tiède, l’englobant finalement dans ta main, t’en saisissant plus franchement. Les remerciements attendront, ta curiosité passe avant tout le reste. Tu veux savoir, qui tu es, pourquoi tu es là, ce que tu faisais avant d’être ici, d’où tu viens. Il faudra tout de même que tu remercies tes compagnons de route, même si leurs tentatives ont été infructueuses elles t’ont surement fait gagner du temps, s’ils n’avaient pas été là peut être que la grenouille aurait eu le temps d’atteindre l’eau avant que la panique la gagne.

Après il faudra aussi sortir d’ici et vite. Ce machin est toujours là, sous la surface et elle peut toujours ressortir quand bon lui chante. Il est hors de question qu’elle t’ « avale » de nouveau, tu te doutes qu’il n’y aura pas de souvenirs à chaque danger pour te tirer des mauvais pas.

Du mal à respirer. Des larmes aux coins des yeux. Tu émerges doucement, la gorge brûlante du fantôme d’un tube de plastique y enfoncé trop profondément. Les jambes tremblantes tu te relèves essuyant les restes d’eau salée sur tes paupières, un coup d’œil sur tes poignets te montre deux fines cicatrices blanches, Aoutch.
Encore dans ta bulle tu mets un certain temps à réaliser que tu es toujours au bord de cette piscine qui te donne des frissons d’horreur. Puis tu entends des bribes de conversation, partir d’ici oui, tu veux juste t’en aller, te défouler. Dans un demi sourire un peu forcé tu retournes auprès des autres, qui ont tout fait pour t’aider.

La mine toujours un peu contrariée, ton esprit encore aux prises avec ce lit d’hôpital et ces cheveux clairs à ton chevet tu arrives à la hauteur des deux autres. Tu as repris ton aplomb et ton assurance face à ta volonté de ne surtout pas montrer la moindre faiblesse. Un peu plus de quelques secondes et tu ouvres déjà la bouche pour donner le signal de départ.

« On devrait y aller le plus vite possible en effet... Et merci d’avoir tenté de m’aider. »

Encore une chose d’apprise, tu n’es vraiment pas douée pour les remerciements, un haussement d’épaules, tant pis c’est mieux que rien. Un pas après l’autre tu avances vers la sortie, le plus éloignée possible de l’eau verdâtre sous la surface de laquelle se trouve encore la monstruosité qui a failli t’avaler tout rond. Tu as une légère idée de ce que tu cherches mais tu ne sais pas du tout par où aller, il te faut des vêtements propres et de quoi te rincer les cheveux qui collent à ton dos à présent.

« Sortons d’abord d’ici, j’aimerais trouver de quoi m’habiller et me rincer mais vous n’êtes pas obligés de me suivre. C’est comme vous voulez. »

Au fond, tu aimerais bien qu’ils viennent avec toi, au fond tu n’as pas envie d’être seule et ce sont les seules personnes que tu te souviennes n’avoir jamais rencontrées, le cousin mystérieux mis à part évidemment. Mais tu ne l’avoueras jamais, ni à eux ni même à toi même et tu ne leur demanderas jamais non plus de t’accompagner directement, bien trop fière que tu es. Tu te détournes déjà, prête à quitter cet endroit aussi humide qu’inhospitalier.