Tu veux vraiment bouger Dame ? Je t'en prie.
Et pof. La brunette disparut comme par magie, pour se retrouver dans les bras de Vodka, dans le centre commercial.

La vieille se penche sur le bout de papier, par-dessus l'épaule de Dame, avec espoir. C'est beau, l'espoir. Mais ça sert qu'à tomber de plus haut. Et Bigoudi fixe le petit bout de papier illisible d'un œil noir, comme s'il allait être un gentil petit bout de papier bien sage et obéir en se couvrant à nouveau d'encre.
La fillette passe ses nerfs sur l'autre. Oui, tu parais ridicule, Dame. Bien vu.
- Calme-toi, fillette, ça ne sert à rien de s'énerver. Ah ces jeunes, vous êtes tellement impatients...
Elle termine sa phrase sur une mimique agacée, levant les yeux au ciel, un air supérieur peint sur son visage ridé. Bien sûr, la remarque s'adresse aussi à Noan - puisque c'est le nom que Dame a prononcé. Elle peut parler, elle, c'est elle qui a commencé à défoncer les tiroirs. Mais comme c'est une vieille femme acariâtre, cette réflexion ne vient même pas frôler le flot de ses pensées et elle rejette entièrement la faute sur Noan. Le bout de papier était sans aucun doute encore parfaitement lisible après ses coups de canne. C'est le coup de pied qui l'a mis dans cet état. Forcément. Elle ne sait pas se contenir, cette petite...

La tension ambiante retombe avec l'attitude amicale de Noan qui répond au sourire désolé de la fillette. Oui, oui, c'est bien mignon, mais de son temps à elle, on était plus efficace, hein. Vous comptez rester plantées là à sourire longtemps ? Mais la brunette s'engouffre dans l'escalier après avoir empoché la babiole - une sorte de calice - qui se trouvait avec le bout de papier illisible.
Bigoudi regarde une dernière fois la pièce, hausse les épaules, et sort de la pièce à sa suite.
- J'espère bien, grogne-t-elle en réponse à la dernière remarque.

Noan est au volant. Bigoudi prend place sur le siège passager et regarde par la fenêtre. Pas de Dame à l'horizon. ...D'accord. Très étrange. Elle est passée où, la fillette ? Ce serait stupide de sa part de se cacher et de les abandonner puisqu'elle veut sortir de la ville.
- Tu vois Dame quelque part ?, se résigne-t-elle à demander. Les jeunes ont de meilleurs yeux. Injustice.

Habitacle trop étroit pour croiser les jambes en attendant les deux autres. Fait chier. Et ses talons l'emmerdent définitivement. Mais y avait franchement pas idée. Si sa self-estime n'était dans le moment même pas trop enflée par la colère et la mauvaise foi, elle se serait volontiers foutu une baffe pour avoir réussi à se trimbaler avec des fringues et des chaussures pareilles. J'pouvais pas penser que je risquais à tout moment de me faire enlever par un truc spécieux, non ?

L'art de rejeter la faute sur tout le monde, même sur sa propre personne. Ah cébo l'humanité sisi. Et Noan continuait de grommeler et ruminer, en toute grâce, cela va de soi. Ils étaient partis loin, son calme, sa neutralité et sa peur. Non, juste de la fierté ma, très mal placée. La porte s'ouvrit, la vieille entra. Sans Dame. Elle était pas censée être plus rapide, la frisée ? Elle renvoya un bref froncement de sourcils à la grise, se retourna sur son siège. Sans doute l'âge qui t'empêche de voir ? La remarque acide lui brûle le bord des lèvres. Seulement voilà. Elle est bien obligée de remarquer l'absence de Dame.

La portière claque, et ses talons sur le sol à sa suite. Elle rebrousse chemin, enfile les quelques marches de l'église, entre à nouveau dans le chœur. Mais rien. Pense pas qu'elle soit si altruiste que ça, chevalière au point de ne pas souffrir d'abandonner un compagnon de route, non. Juste qu'une disparition dans cette ville, c'est pas forcément par hasard. Ses pas se retournent à nouveau vers la voiture, claquants. Et elle, si ça continue, va craquer. Conduire la vieille et enfin déterminer ce qu'il se passe dans ce putain de pays. Retour à la voiture, elle s'enfonce dans le siège, ne prend pas le temps de claquer sa ceinture.

▬ Je pense pas que sa disparition soit forcément volontaire. En tout cas... Elle manœuvre, pour pouvoir encore jeter un coup d’œil dans les rues voisines. Je compte pas la chercher.

Oui. Oui, après tout. Si elle avait été seule, elle aurait prit la responsabilité de sa connerie, et tant pis. Et personne aurait été assez con pour ne pas comprendre qu'y avait tout simplement pas d'autre moyen, et arrêterait de péter des plombs à tout-va.

▬ Je vous amène aux abords de la ville. Et ensuite on avisera.

Parce qu'elle les trouvait bien optimiste à penser s'enfuir. Mais d'après elle, ça ne sera pas si facile. Enfin ça. C'est pas vraiment son problème. Alors, le visage fermé, elle passe la vitesse et envoie la voiture le long des rues. Plus vite elles seront arrivées, mieux ça sera.

HRP:

Très bien, pas de souci. Tant pis pour la fillette. Ce qui compte, c'est qu'elle, elle puisse sortir de cette Ville de malheur. Une fois sortie, peut-être sera-t-il plus facile de récupérer sa mémoire. Peut-être y aura-t-il des gens qui ne seront pas amnésiques.
Elle jette un dernier regard à l'église, alors que Noan se glisse à côté d'elle à nouveau. En y repensant, les évènement prennent une tournure de plus en plus étrange à chaque minute qu'elle passe ici. Le train. L'amnésie. Les souvenirs. La voiture. Le passage secret. Et pour finir, la note à propos de main écailleuse. La vieille dame frissonne, marmonne quelques mots incompréhensibles sur un ton désagréable, scrute d'un œil noir le paysage.
Elle repère la direction par laquelle elles sont arrivées et pointe celle opposée.

- Continue par là, en allant toujours tout droit, on arrivera forcément au bout.


Elle se rencogne dans son fauteuil, l'air maussade. Pourquoi a-t-elle atterri là, au juste ? C'est tellement réel, c'en est dérangeant. Cauchemar ou pas, au final ? Elle craint qu'elle ne se réveille jamais. Qu'elle ne se réveille pas, puisqu'elle est déjà réveillée... Mais pourquoi elle et pas une autre de ces jeunes crapules qui mériteraient cette punition ? Pourquoi c'est à elle de se débrouiller ici et pas à quelqu'un d'autre ? N'importe qui. Elle s'en fiche. Elle veut sa mémoire. Et sa vie. Que les autres perdent la leur, ou qu'ils se perdent tout court, comme Dame. Mais qu'elle, elle soit épargnée. La vieille est tellement supérieure aux autres dans tellement de domaines ! Elle doit être privilégiée.

Bigoudi lâche un soupir parfaitement audible et coupe le fil de ses pensées, attendant que la voiture de police daigne démarrer. Elle verra une fois sortie.

Et la voiture démarre, de mauvais grès certes, mais elle avance. Elle les conduit aux limites de la Ville. Au bout d'une bonne demie heure de route, elle s'arrête au milieu d'un champ et lance de sa voix neutre " Vous êtes arrivés. "

Spoiler: